La saga de l’HRD | FR

C’est un malaise qui dure depuis plus de 4 années, en effet depuis la restructuration inspirée par l’ancien Gouverneur de la Province d’Anvers et Ministre d’Etat A. Kinsbergen, l’HRD a connu une lente agonie.

Sous l’impulsion d’un groupuscule du secteur du négoce toute l’énergie des dernières années a été investie dans des menaces mutuelles et des poursuites judiciaires. Ce qui fut une affaire juteuse pour les avocats et les huissiers fut catastrophique pour le secteur au grand plaisir des autres centres tels que Tel-Aviv, Mumbay, Hong Kong et Dubaï.
 
Le diamant bien qu’étant historiquement des PME familiales n’a pas pu échapper à la mondialisation tout comme le textile, la maroquinerie et bien d’autres secteurs.
La globalisation a commencé par la délocalisation de la taille vers l’Inde et l’Extrême-Orient. La période où le grossiste venait à Anvers acheter les diamants « rubis sur l’ongle » est révolue. Le diamantaire doit « bouger », participer à des salons professionnels, prospections, visites des clients, s’associer et participer dans la création et la promotion du bijou diamant. Un diamantaire sans site Internet n’est pas en voie de disparition, il est déjà un fossile. Non seulement il doit connaître son métier de tailleur de diamant, mais il doit surtout pouvoir maîtriser la gestion d’entreprise et les stratégies de vente. Suite à la globalisation, la vente du diamant a d’une part quintuplé d’autre part, les marges bénéficiaires se sont réduites à une peau de chagrin. Les firmes diamantaires engagent actuellement du personnel hautement qualifié ; à côté des experts gemmologues se trouve un expert analyste financier des MBA sortant des universités. Ajoutons les capitaux énormes qu’exige l’investissement dans le diamant brut, l’infrastructure industrielle et le stockage des marchandises.
Que devient le petit indépendant dans cette tornade ?
Bien que l’avenir ne soit pas rose, il lui reste des possibilités telles que la spécialisation dans des tailles ou formes spéciales et un service de vente plus personnalisé. Une autre possibilité est de « s’accrocher »  à une multinationale, car son bagage commercial et son expertise représentent une valeur non négligeable pour les grandes entreprises.
 
Dans son livre « Meesters van het Diamant » Eric Laureys nous raconte les règlements de compte et disputes d’avant, pendant et l’après 2ième guerre mondiale. Il suffit de changer les dattes et l’on se rend compte que les diamantaires n’ont rien appris. Les boucs émissaires  responsables de la crise des années 30 ? c’était la faute des Juifs, aujourd’hui c’est la faute des Hindous et des Sightholders (détendeurs de la vue de la De Beers). Nous rencontrons les mêmes calomnies, les mêmes conspirations et comme dit le dicton « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose». 
 
Faire croire aux petites entreprises en difficulté que leur association pourra mettre « à genou » la De Beers en déposant des plaintes à la CE et ainsi rétablir leur situation financière, frise la folie pure, la démagogie à son état primitif.
Le résultat est que le secteur, s’est de plus en plus enlisé à tel point que la rupture finale a eu lieu fin de l’année passée.
Un secteur qui est, malgré tout, important pour l’économie belge, (plus de 7% des exportations représentant un emploi direct et indirect de près de 30.000 personnes), une intervention de la part du gouvernement était incontournable. 
 
Lors des premières réunions de 2006 les administrateurs représentatifs du secteur et les responsables politiques flamands prirent leurs distances par rapport à cette évolution négative.
 
Pour le gouvernement, le risque était devenu trop grand de voir les Hindous et les Sightholders tourner le dos à Anvers, ce qui serait le coup de grâce pour la métropole.  La comparaison pourrait être faite au secteur de la métallurgie, qui serait représenté par le ferrailleur de Perpet les Ouailles au lieu d’Arcelor ou celui de la distribution et l’alimentation par le légumier du coin au lieu de Delhaize et Carrefour.
Certaines firmes dépassant le milliard d’euros de chiffre d’affaire et étant les figures de proue du diamant anversois étaient ainsi exclues du Conseil Supérieur du Diamant.
L’HRD est devenu avec ses 300 salariés au fil des années le plus grand employeur du secteur diamant. Devant cette situation, qui s’aggrave de jour en jour et les tensions internes subies par un comité de direction lui-même s’occupant plus de zizanie que d’organisation, les directeurs responsables ont rendu leurs tabliers laissant le navire sans capitaine.
 
L’HRD
Le département certificat créé il y a une trentaine d’années est reconnu mondialement et l’Institut de Gemmologie a formé plus de 6000 gemmologues de par le monde. Pourtant il y a des lacunes, ainsi le département de relation publique dépense son argent à des sponsorisations d’événement sportif au lieu d’organiser des expositions internationales de diamants ou des missions commerciales comme par le passé. Le centre de recherche du diamant WTOCD travaille en secret, aucune publication ne peut émaner de cette institution qui coûte cher au secteur. L’artère principale qui est le Diamond Office, par lequel toutes les importations et exportations de diamant brut et taillé  doivent transiter, est souvent « bouchonnée » par une administration lente et pointilleuse (disons pinailleuse) comparé aux autres centres diamantaires. Des concurrents ne se pointent pas à l’horizon, mais sont déjà bien en place, d’une part Mumbay qui offre toutes sortes de subsides à un secteur qui importe des masses de devises et un emploi important avec près d’un million de tailleurs de diamants, d’autre part Tel-Aviv qui a été le concurrent le plus important d’après guerre, mais qui offre bien plus de facilités commerciales. Hong Kong, le paradis de la libre entreprise est devenu la plaque tournante de l’Extrême-Orient. N’oublions pas Dubaï qui en quelques années s’est transformé de centre de l’or (Gold Souk) en centre diamantaire. Les Emirats n’offrent pas moins de 50 années libres de taxes, à faire rêver les entrepreneurs du monde entier et surtout européens. Une infrastructure moderne et surtout une administration souple et rapide tandis que nous nous enfonçons dans une bureaucratie Kafkaïenne. 
 
Ici aussi l’histoire se répète, entre les deux guerres mondiales les diamantaires ont tous quitté Amsterdam suite aux pressions fiscales hollandaises pour s’installer à Anvers. Les grandes firmes diamantaires multinationales ont déjà acheté leurs bureaux dans la fameuse tour Almas avant qu’elle ne soit terminée, les autres suivront ou devront suivre bientôt.
 
La De Beers
Lors de la 9ième Conférence Européenne des Pierres Précieuses organisée à Marrakech début mars, le journaliste et consultant en diamant de réputation internationale Marc Goldstein donna un aperçu de l’origine et de l’évolution du fameux SOC (Supplier of choice) ou fournisseur de son choix, qui est en partie une des raisons du malentendu.
Depuis la fin de l’apartheid en Afrique du Sud les marchés se sont ouverts pour les firmes locales et étrangères. Par contre elle devait devenir rentable, ainsi la De Beers a dû prouver sa rentabilité à ses actionnaires, ainsi que celle de ses clients et qu’il y avait une valeur ajoutée  au produit.
Nous sommes rentrés dans le 21ième siècle avec ses défis, ses révolutions économiques et culturelles, faire un pas en arrière comme le désirent les nostalgiques est impossible.
 
Lors du VIIes Rendez-Vous Gemmologiques de Paris du vendredi 24 mars, Stephen Lussier administrateur de la De Beers répondit à une question pertinente de l’auditoire concernant l’HRD, sa réponse fut sans ambiguïté « Le combat d’Anvers afin de rester si pas Le centre mais au moins un des plus grands centres, n’est pas la lutte interne entre petits et grands, mais la concurrence de Dubaï et Mumbay ».  
 
Une fois de plus la tâche première que se sont donnés tous les représentants aux congrès dans l’élan amorcé par Stephen Lussier est l’adhérence du secteur tout entier, du producteur au bijoutier, aux normes de transparences, d’éthiques et surtout du bienfait que le diamant et les pierres précieuses apportent aux pays producteurs en suivant les règles strictes de déontologie et de responsabilité envers ces pays. Les résultats spectaculaires obtenus en Namibie et au Botswana démontrent les possibilités de coopération entre le Nord et le Sud. Le Botswana, étant un des pays les plus pauvres de la planète il y a une décennie, s’est hissé à la première place des pays africains les plus développés grâce au diamant.  
 
L’avenir
Le Premier Ministre Guy Verhofstad a désigné d’éminents experts, parmi eux le professeur  Brice De Ruyver de l’université de Gand (qui avait déjà fait une analyse du secteur, il y a quelques années) pour mettre de l’ordre dans la maison. 
 
Des directives furent élaborées pour remettre la locomotive sur ses rails, mais une fois de plus le dossier fut manipulé et partiellement vidé de son contenu. Malgré tout il reste la restructuration d’une organisation asbl qui ne répondait plus aux nouvelles directives en la matière (il y avait entre autres plus d’administrateurs que de membres).
Selon les nouveaux statuts, il y aurait une représentation plus équitable, multinationales et PME sorties d’élections directes des diamantaires. 
 
Le département certificat se muterait de société non lucrative (asbl) en société anonyme (sa). De son côté le gouvernement ayant un représentant au conseil pourrait mieux suivre la problématique du secteur.
Selon notre Premier, l’HRD est une organisation corporative privée, qui doit représenter non seulement tout le secteur mais aussi tenir compte des réalités économiques et la représentativité de toutes les communautés du secteur.
Espérons que le 3ième souffle de l’HRD sera le bon car Anvers a un potentiel important aussi bien économique que social que l’on doit défendre à tout prix et surtout que se terminent les luttes fratricides au sein des organisations professionnelles. 
 
Eddy Vleeschdrager
Auteur de « Dureté 10,le diamant, taille, négoce »
« Le Diamant, Réalité et Passion »
« The Brillant Story of Antwerp Diamond »
 
 
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