Il était une fois (suite) | FR

Naissance de la taille du diamant à l’échelle industrielle.

1892 est une année difficile où le chômage sévit durement. Le jeune syndicat ouvrier créé il y a à peine 2 ans ne connaît plus le succès des premiers jours. Les tailleurs ont peur pour leur boulot, la suspicion règne entre les « camarades ». Ceux qui sont au travail sont traités comme des esclaves, certains patrons n’ont pas de scrupules pour battre leurs employés lorsque qu’ils font des erreurs ou ne sont pas assez rapides à leur goût. C’est la mentalité du patronat en cette fin du 19ième, le 6 juillet aux Etats- Unis, l’industriel réputé Carnegie ouvre même le feu sur son personnel lors d’une grève. 
 
Dans le secteur diamantaire, le travail minimum est de 11 heures par jour, le seul jour libre étant le dimanche. Le salaire tourne aux environs de 28 à 30 francs belges par semaine (5FF).  
 
Le système d’embauche était simple, des gosses de moins de 15 ans pouvaient commencer comme sertisseur pendant quelques années souvent sans salaire ou une fraction de salaire, suivi d’un stage auprès du maître pour finalement devenir tailleur en croix ou brillanteur. Engager le plus possible d’apprentis est donc une bonne affaire pour les patrons.  
 
Lors du congrès des travailleurs organisé à Charleville les syndicats avaient pris justement comme but de réglementer les contrats des apprentis. Quelques grandes tailleries donnent leur accord pour réglementer le problème, ainsi en commun accord le 1er août on décide que seuls les enfants des tailleurs peuvent encore entrer dans le métier. L’âge minimum est fixé à 15 ans. Cette règle est restée d’usage jusqu’aux années 1960. Ainsi un fils ou une fille d’un tailleur pouvait devenir tailleur, celui ou celle d’un débruteur, débruteur, plus tard au début du 20ième siècle il en fut de même pour les scieurs.  
 
Lors du congrès d’Amsterdam, les tailleurs anversois veulent l’interdiction de la taille du diamant aux femmes, cette proposition fut rejetée par les autres délégations. Une fois de plus des tarifs minimums par pierre furent proposés, la création d’une caisse internationale pour d’éventuelles grèves et la réglementation des horaires de travail à 10 heures avec l’espoir d’aboutir plus tard à 8 heures.

1894 est aussi l’année de l’exposition internationale à Anvers placée sous le signe du progrès, des forces productives embrassant l’activité industrielle de l’Europe en cette fin de siècle, mais aussi des Etats-Unis, la Perse, le Japon et la Chine. Avec 12.000 exposants sur 60 hectares, l’édifice principal mesurait 300 mètres de long, surmonté d’un dôme monumental revêtu de mosaïques multicolores.  
 
Toutes les nations européennes y avaient envoyé des spécimens de leurs industries. Si l’Angleterre n’était représentée que par 271 exposants et l’Allemagne par 727, la France ne comptait pas moins de 3.559 exposants, qui ont obtenu 2.783 récompenses. C’était aussi le lancement du style : Art Nouveau.  
 
Parmi les diverses expositions des colonies anglaises, celle de l’Afrique méridionale avait le privilège de retenir la foule devant ses vitrines éblouissantes de diamants nous raconte le semestriel « La Science Illustrée » de 1894. Sur une carte de mission, dressée en 1750, la contrée actuelle du Griqueland occidental était marquée par ces mots : Ici sont les diamants, mais on ne songea à les exploiter qu’en 1867.  
 
Autrefois, pour extraire les diamants des mines, on transportait les sables et les terres diamantifères dans un espace entouré de murs percés de petites ouvertures à la partie inférieure, et on versait sur ces sables de l’eau qui entraînait les parties les plus menues. Une seule opération suffisait quand les dépôts exploités étaient très sableux; mais lorsqu'ils étaient mêlés à de fortes quantités d'argile, il fallait, après le lavage, laisser sécher le résidu et le battre avec des pilons de bois, puis le traiter avec un appareil analogue au van qui sert pour les céréales, de manière à isoler les parties fines qui auraient gêné la recherche définitive du diamant.  
 
« Actuellement », nous sommes en 1894, l’exploitation des « claims » se fait sous la direction d'habiles ingénieurs et de nombreux surveillants et les dépenses annuelles dépassent 1 million de livres sterling (d’époque). La valeur des seules concessions de la Compagnie française du Cap, c'est-à-dire le quart des terrains diamantifères, était estimée, matériel compris, à 13 millions. Dans ces dernières années du 19ième , l’exportation totale des diamants de l'Afrique du Sud a atteint une valeur d'environ 60 millions de livres.  
 
La Compagnie anglaise, qui était représentée à Anvers, avait voulu exposer les derniers progrès de la machinerie employée dans les mines de diamants, et le visiteur pouvait suivre les dépôts précieux depuis leur extraction des profondeurs de la mine, à l’état de boue volcanique appelée « terre bleue », jusqu'à leur arrivée sur la table du lapidaire. Mille grands sacs pleins de terres ou de roches diamantifères ont été, au cours de l’exposition, vidés par pelletées dans des bassins spéciaux, et les curieux pouvaient assister chaque jour, au lavage et au tamisage qui s'opéraient mécaniquement avec autant de perfection que de rapidité.