NOUVEAUX HORIZONS DU CARBONE | FR

Longtemps, on n'a connu que deux formes principales de carbone: le graphite et le diamant.

Le graphite est composé de différentes couches superposées en structures bidimensionnelles; les couches glissent ainsi facilement l’une sur l'autre, ce qui donne au graphite sa propriété exceptionnelle de lubrifiant. Le diamant par contre est tridimensionnel ; dans le réseau cristallin, chaque atome de carbone est fortement relié à quatre autres, ce qui rend le diamant résistant à l’usure. Une troisième forme cristalline de carbone a été découverte: les fullerènes. Ils sont à la base des nouvelles technologies du XXI siècle et paradoxalement, cette famille de molécules se retrouve aussi dans la poussière cosmique et est sans doute une des plus anciennes molécules de l’univers.
 
Rappelons brièvement que le carbone pur se rencontre sous de nombreuses formes. Pour les classifier, on peut se rappeler que l’atome de carbone à quatre liaisons disponibles. Si le carbone est lié à ses voisins carbone par quatre liaisons simples, formant donc une coordination appelée tétraèdrique, on trouve bien entendu le diamant, mais aussi une forme hexagonale, la lonsdaleite. Ceci pour les composés cristallins, sans oublier qu’il existe des variétés amorphes, notamment le carbone adamantin (aC), obtenu surtout par méthode CVD et qui a de nombreuses applications en couche mince du fait de sa grande dureté. Si maintenant le carbone est lié à ses voisins par deux liaisons simples et une liaison double, on obtient tous les produits de la grande famille des graphites. Ils sont construits par l’empilement de feuillets de graphène, un plan formé de cycles hexagonaux adjacents de 6 atomes de carbones. On s’intéresse d’ailleurs beaucoup actuellement aux propriétés de ce feuillet simple. Enfin, si le carbone est lié à ses voisins par une liaison simple et une liaison triple, cas beaucoup plus rare, on forme la famille des carbynes, dont une, la chaoite, a été trouvée en inclusion dans des météorites.
 
La découverte des fullerènes date de 1985, lorsqu’une équipe de chercheurs américains (Robert F. Curl et Richard E. Smalley de l’Université Rice de Houston) et anglais (Harold W.Kroto de l’Université de Sussex) à l’aide d'un laser a fait évaporer une couche de graphite dans une atmosphère d'hélium. Lors de l’échauffement du carbone à l’état de vapeur jusqu’à 8000°C, ils détectèrent une forme inconnue et mystérieuse de carbone avec exactement 60 atomes. La découverte de ces échafaudages inédits d’atomes de carbone a été couronnée par le prix Nobel de Chimie en 1996.
 
À l’aide d’un spectromètre, les chercheurs ont constaté qu'ils obtenaient, selon les conditions de l’expérience, des molécules contenant de 44 à 76 atomes de carbone, dont la majeure partie disposait de 60 atomes de carbone. Les chercheurs baptisèrent cette molécule buckminsterfullerène (« Bucky Ball » pour les intimes) : ce nom provient de l’édifice de forme ronde (domes géodésiques) ressemblant à un ballon de football construit pour l’exposition de Québec par l’architecte ingénieur Buckminster Fuller. La molécule, comme le bâtiment, est construite de réseaux d’hexagones et de pentagones, les pentagones permettant la courbure.
 
On s’est plus tard intéressé aux fullerènes d’ordre supérieur, notamment C70, et ces études on mené progressivement à la découverte et à l’étude des nanotubes de carbone.
 
On prévoit des applications révolutionnaires de cette molécule. Selon le professeur Van Landuyt de l’Université d'Anvers, les applications prévues des fullerènes sont très variées; elles vont de la supraconductivité au traitement des cancers. En effet, le carbone 60 a une forme de cage qui peut être remplie. D'autres atomes pourraient y êtres introduits, par exemple des atomes radioactifs servant au traitement des cancers. Ces atomes, protégés des substances organiques du corps garderaient toutes leurs propriétés thérapeutiques contre les cellules atteintes. On pourrait aussi remplir la cage de substances ayant des propriétés électroniques, on voit même la possibilité d'une nouvelle génération de piles électriques. Le carbone 60 semblerait être semi-conducteur comme le silicium des circuits intégrés, et pourrait devenir un nouvel instrument dans l’électronique. L'ampleur de cette découverte ne pourra être mesurée qu'après de multiples expériences et applications.
 
En 1991 le Japonais Sumio Iijma découvre dans les fullerènes d’étonnantes fibres de carbone, qu’il baptise « nanotubes ». de nombreux procédés permettent d’obtenir maintenant des nanotubes. Qu’est ce qu’un nanotube. Il s’agit bien sur d’un tube, de dimensions nanométriques (un nanomètre est un milliardième de mètre, ou un millionième de millimètre). Il correspond à un feuillet de graphène enroulé. Pour comprendre sa structure, on peut imaginer que l’on replie le feuillet comme l’on roule une feuille parallèlement à l’un de ses bords, ou bien en tordant lorsque l’on replie. Cela simplement si l’on considère une seule feuille, c’est-à-dire une nanotube monofeuillet (single wall nanotube ou SWNT). Mais dans la plupart des procédés l’on obtient aussi beaucoup de nanotubes multifeuillets (MWNT). Donc il y a une très grande variété de produits décrits sous le vocable nanotubes de carbone. D’un point de vue électrique, ces structures ont un comportement de semi-conducteur ou de métal. Ces matériaux offrent de très nombreuses possibilités d’applications. Leur grande résistance mécanique et légèreté (100 fois plus résistant que l’acier et 6 fois plus léger) en font des candidats idéaux pour des structures robustes sans être pesantes, par exemple des composites pour les structures d’avions et électronique de bord. Tissés ou tressés, ils composent des produits bien plus résistants pour des cordages, câbles, ceintures de sécurité… Capables d’absorber des impacts considérables et malgré tout légers, ils sont parfaits pour les gilets pare-balles, les blindages, les pare-chocs. On peut former grâce à eux des couches ou « coating » ultra-résistantes. Ils ont un débouché dans la microscopie à effet tunnel et à force atomique, qui requiert des pointes ultrafines.
 
Leur comportement parfois métallique et leur faible résistance électrique les destine à toutes sortes d’applications dans le domaine du transport d’énergie, car en plus ils sont légers. Les nanotubes renforcent les pneus des voitures et sont des capteurs signalant les dommages de la structure. Les pointes en nanotubes remplacent les lourdes cathodes dans les émetteurs de rayons X, qui deviennent ainsi transportables. Etant petits et bons conducteurs, l’addition d’une toute petite quantité de ces matériaux peut rendre n’importe quelle matière (par exemple des polymères) conductrice. Comme on peut les déformer à l’aide d’un courant, ils sont à la base de petits outils mécaniques à l’échelle du circuit intégré, les NEMS (Nano Electro Mechanical Systems).
 
Etant également bons conducteurs thermiques (quelque chose comme 20 fois meilleurs que le cuivre) ils pourraient aider à construire des dissipateurs de chaleur extraordinairement efficaces. En informatique ils constituent des mémoires non-volatiles de très grande capacité. Enfin, propriété moins discutée en public, ce sont des absorbeurs des micro-ondes, et de ce fait pourraient être à la base de dispositifs furtifs, qui intéressent les militaires. Si l’on en parle peu, de nombreuses équipes étudient cette application.
 
L’université de Bayreuth a mis le carbone de 60 molécules sous d’immense pression de 20 GPa et à 2500°C sous une presse 5000tonnes, créant une nouvelle forme nommée « aggregated diamond nanorods, ADNR ». L’ADNR a une structure différente de 5 à 20 nm de diamètre et d’une longueur de 1 micron ce qui le rend résistant à 491 gigapascales contre 442 du diamant naturel.
 
Plus dure que le diamant naturel
 
Tetsuo Irifune, professeur de géologie et sont équipe de l’université d’Ehime au Japon, ont créés un diamant polycristallin à partir du carbone. Ils ont chauffé le graphite à des températures de 1800 et 2500°C au lieu de 1500 et 1800°C ainsi que des pressions de 150000 à 250000 atmosphères. Les diamants polycristallins (PCD) de 1 à 3 mm seraient deux fois plus résistants que le diamant synthétique classique.
 
Le cinquième état du carbone
 
Des scientifiques grecs, russes et australiens dirigés par Andrei Rode de l’université de Canberra (Australie), en chauffant une cible de carbone à 10.000 C° à l’aide d’un un laser pour fabriquer des nanotubes, ont découvert que le carbone pur pouvait aussi prendre la forme d'une mousse. Contrairement au diamant, au graphite, aux fullerènes et aux nanotubes, cette mousse est sensible au magnétisme. Elle est aussi semi-conductrice et peut se comporter comme un métal ou comme un isolant, la densité minimale en fait l'un des solides les plus légers. Le poids de 2 mg au cm3 soit l.350 fois moins lourd que l’aluminium! La mousse est formée d'amas de 10.000 atomes environ, de 6 à 9 nanomètres de diamètre, liés aléatoirement. Les chercheurs attribuent ses qualités magnétiques à l'arrangement particulier des atomes en heptagones (polygones à sept côtés). La structure laisse des électrons libres, ce qui favorise la sensibilité aux aimants. La mousse de carbone pourrait améliorer le rendu de l'imagerie par résonance magnétique. Toutefois, il n’est pas totalement certain que ces effets ne soient pas dus à des impuretés.
 
Une équipe internationale de physiciens vient de découvrir, presque par hasard, le premier aimant sans métal à température ambiante. C’est en cherchant à étudier la supra¬conductivité des polymères de fullerènes (molécules quasi sphériques constituées de 60 atomes de carbone) qu’une physicienne russe de l’institut physico technique de Saint-Pétersbourg et ses collègues allemands, brésilien, suédois et russe, ont constaté que ces composés avaient un comportement magnétique. Les propriétés ferromagnétiques se manifestent spontanément pour certaines formes spécifiques de polymères de C60 préparées à des températures et pressions très élevées et persistent même à haute température. Les physiciens affirment que leur composé est totalement exempt d’impuretés métalliques. Ce magnétisme, encore mal compris, pourrait être dû à des défauts dans la structure du polymère. L’aimantation est suffisamment forte pour qu’un échantillon du composé soit soulevé par un aimant ordinaire, comme une aiguille en métal!
 
FILM DE DIAMANT NON CVD
 
Ernest Nagy fit une découverte par hasard dans le domaine du "coating" ou dépôt d'un film d'une substance sur une autre. Cette découverte fut accidentelle lors d'un polissage trop long où la friction avait déposé un film sur la matière à polir, la découverte fut faite lors d'un dépôt de téflon sur du polyester mais est utilisable avec toute matière, le diamant inclus. Le système intéressait même l'Anglo American Corporation.
 
La friction éliminée par le carbone :
Une combinaison d’un carbone tétraédrique (diamant non cristallin) et du glycérol (huile biodégradable) a été mise au point réduisant le coefficient de frottement à néant. Une couche de carbone tétraédrique d’un micromètre sur du métal (coating) recouvert d’une couche de 2 nanomètres de carbone graphitique traité permet une combinaison spectaculaire. Cette super-lubrification devrait révolutionner toute mécanique soumise à l’usure. Du secteur automobile à l’industrie spatiale en passant par les mouvement des montres au glissières diverses, le gain d’énergie sera énorme (Science &Vie n°1076).
 
VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE GRACE AU DIAMANT
 
C’est pourtant pas l’histoire du voyage au centre de la terre de Jules Vernes mais un projet spectaculaire pour étudier le centre de notre planète. Prof. David J.Stevenson de Pasadena (E.U.) voudrait creuser un tranché d’un mètre de large sur 300 m de long et d’une profondeur de 300 m (la hauteur de la Tour d’Eifel) qu’il remplirait de fer fondu. Une sonde d’une grandeur d’un pamplemousse contenant les outils scientifiques serait recouvert d’une épaisse couche de diamant (CVD) pour le protéger des hautes températures et pressions. Lorsque la sonde serait au fond une déflagration nucléaire enfoncerait la masse de fer fondu vers le centre de la Terre comme un couteau attiré par la gravitation jusqu’à 3000 Km de profondeur. La sonde aurait comme mission d’étudier les compositions chimiques et les activités électromagnétiques au centre de la Terre. Le voyage devrait seulement durer une semaine pour un coût de 12 milliards de dollars US.
 
L’ENCLUME DIAMANT
 
La croûte terrestre n’est que d’une épaisseur moyenne de 30 km soit de 10 à 70 km pour les continents et à peine 5 à 6 km sous les océans. La lithosphère est une couche rigide et épaisse d’environ 70 km sous les océans à 150 km sous les continents qui flotte littéralement sur l’asthénosphère provoquant ainsi d’une part la dérive des continents et d’autre part des séismes sporadiques. Le « manteau » est divisé en manteau supérieur jusqu’à 700 km et le manteau inférieur, jusqu’à environ 2900 km. Le noyau débute d’enviuron - 2900 km à un peu plus de 5000 kmde la surface. Il est séparé du manteau par la discontinuité de Gutenberg. Enfin la « graine » au centre de la Terre qui serait du fer, allié à du nickel et peu être d’autres éléments. C’est à des profondeurs de 2900 km maximum que se formeraient les plus profonds des diamants Vu l’impossibilité d’étudier les réactions des différents matériaux à des profondeurs où règnent des températures de 2000 à 3000 °C et des pressions de 700,000 fois la pression atmosphérique, des ingénieurs de l’Université de Californie, Elise Knittle et Raymond Jeanioz ont adapté un appareil créant les mêmes conditions que celle du manteau à une profondeur entre 100 et 300 Km.
 
Déjà en 1950, une cellule à haute pression fut mise au point par Lawson et Tang de l’Université de Chicago à des fins d’expérimentations des rayons X à haute pression sur des minéraux.
 
Dans les toutes grandes profondeurs règnent des températures de 5000 à 5500° C et des pressions allant jusqu’à 400 Giga Pascal. L’enclume - cellule – diamant paraît à première vue simple. Le minéral ou les minéraux à qui l’on fait subir des hautes pressions et températures sont bourrés dans une micro-cavité de 0,2 à 0,5 mm de diamètre. L’échantillon est pris en étau entre deux diamants cimentés à des disques de béryllium, et placé au fond d’un cylindre actionné par piston vissé à la main. Les deux diamants s’incrustent dans l’acier et la pression augmente graduellement sur les échantillons minéralogiques jusqu’à des pressions encore jamais obtenues dans des grandes presses hydrauliques. Les échantillons baignent dans un milieu hydrostatique à base de méthanol ou de glycérine à l’échelle microscopique. La firme Drukker compare la pression obtenue à la tour Eiffel sur la paume de la main.
 
Afin d'augmenter la température on dirige un rayon laser sur le diamant qui par transparence va transmettre l’énergie à l’échantillon, ce qui permettra d’obtenir des informations sur sa structure, par example par diffusion Raman, sans abîmer ou endommager les deux diamants. En effet une des propriétés exceptionnelles du diamant est aussi sa haute transparence à des multiples radiations électromagnétiques.
 
Ainsi l'on peut étudier les minéraux transformés par la pression et la température grâce à la transparence du diamant dans une large bande de longueurs d’onde.D'autres techniques peuvent être appliquées, telles que la diffraction des rayons X ou la spectroscopie infrarouge ou de luminescence. On peut donc suivre les réactions créant des minéraux nouveaux, comme cela se passe dans les profondeurs de la Terre.