La Technique de Chauffe des Pierres Précieuses | FR

Depuis longue date, les pierres de couleurs, précieuses ou fines, de couleurs faibles ou moins attractives sont chauffées.

Au Brésil, les améthystes pâles sont recouvertes de braises ardentes, afin de les transformer en citrines de couleur jaune—or, bien plus appréciées. En Extrême—Orient, Thaïlande et Sri Lanka ; on chauffe les saphirs de couleur trop clair ou laiteux, afin d’en intensifier leur coloris, il en est de même pour les zircons, qui chauffés donnent une jolie couleur bleu ciel, brun—orange au vert bouteille.
 
Que ne fut pas l’étonnement de cet artiste qui créant une oeuvre d’art, vitrail en plomb, dans lequel il incrusta des améthystes brutes, qu’il venait de m’acheter et qui à la chaleur de la fonte du plomb changèrent en citrines oranges, et ce à son plus grand plaisir.
 
En ce qui concerne le saphir, l’on chauffe les “geudas” ou les “bâtard” en cingalais. Les geudas sont des saphirs de couleur légèrement bleutée, laiteuse et presque sans valeur. Les corindons contenant la “soie” et naturellement les saphirs déjà traités, mais qui n’ont pas donné satisfaction sont ainsi chauffés. Le facteur principal qui fera décider de la chauffe est sa qualité interne, car suite à la haute température que devra subir le saphir, les inclusions et les tensions internes peuvent provoquer des déchirures ou même l’éclatement de la pierre. Afin d’éviter cet accident on donne à la pierre une première ébauche ou préforme en éliminant les zones dangereuses, les inclusions ou des déchirures pouvant s’agrandir à l’aide du sciage ou de la taille.
 
L’appareillage est malgré tout assez rudimentaire, consistant en un creuset en fonte placé sur ou dans un réchaud au four, au gaz ou au mazout. Pour chaque type de pierres, on adopte une variante. Par exemple pour le zircon, le creuset et son couvercle sont en fonte placée sur un brûleur à gaz (simple réchaud primitif alimenté au butane) faisant office de four. J’ai ainsi vu la chauffe de zircons dans la cuisine de mes hôtes entre les plats d’ailleurs merveilleusement cuisinés. L’on soulève de temps en temps légèrement le couvercle pour voir le moment propice du changement de la couleur. Le point le plus délicat étant le refroidissement, qui devra être très lent. Dans le cas du saphir, l’on utilise un vieux bidon à mazout que l’on transforme en four dans lequel une ouverture a été découpée. Une ouverture, pour le passage du creuset, le plus souvent en terre cuite, ainsi qu’une ouverture pour le brûleur. L’intérieur du bidon est tapissé de briques résistantes au feu, afin de l’isoler et dans lequel on a pratiqué de petites alcôves pouvant contenir de 200 à 500 cts de pierres. On allume le brûleur ainsi que la pompe, celle—ci se trouve à l’extérieur (par mesure de précaution). Les fentes étant colmatées avec de la glaise se durcissant lors de la chauffe qui se produit assez rapidement, déjà après une dizaine de minutes, une température avoisinant les 150 à 2000° C est obtenu avec une hausse 100°C à l50° C tous les quarts d’heure ce qui permet d’obtenir la température de 1700 ° 1800° C.
 
Le contrôle exact en étant impossible par manque d’appareillage adéquat, ceci se passant plutôt grâce à l’expérience avec les risques s’y attachant comme par exemple l’éclatement de la pierre. Le creuset contenant les pierres est rempli de borax (produit isolant par excellence aussi bien employé lors de la taille du diamant que lors du sertissage des bijoux dans le même but de prévenir la surchauffe excessive).
 
Dans le cas des saphirs, il permettra un plus un lent refroidissement, le four ayant obtenu la température voulue grâce à quelques cristaux de quartz servant de point de repère, car le quartz fond entre 1800 et 1850° C (le four lui-même peut atteindre plus de 2000°C).
 
L’on recouvre le four de briques, contrôle de temps en temps la suite des opérations. L’on fait retomber la température aux environs de 1000° C ce qui permet d’ouvrir le four pour observer la couleur obtenue. Lorsque l’opération est terminée, on fait refroidir graduellement le four en abaissant la pression du brûleur jusqu’à son extinction, le refroidissement complet durant environ 24 heures., la chauffe ayant duré + ou - 15 heures.
 
Le point de fusion du corindon étant à 2050° C et le contrôle étant impossible soit visuel, soit par thermomètre, les résultats obtenus sont différents selon les techniciens, la région et même le pays. Les Thaïlandais sont ainsi passés maître dans cette spécialité comparé aux Sri Lankais. Selon certaines sources, le Sri Lanka (Ceylan) chaufferait ainsi près de 30.000 carats de saphirs dont 25 % seulement réussiraient, le restant étant soit perdu, abîmé ou devant subir une nouvelle opération. Des 25% obtenus, 15% serait de bonne qualité commerciale, 20% de haute qualité, le restant est de qualité bon marché, soit voilée, soit rempli de déchirures, ce qui serait supérieur en Thaïlande.
 
Le procédé en lui-même consiste à tenir une température stable de 1800° C pendant une dizaine d’heures, l’éclatement des aiguilles de rutile, la soie provoquant la coloration par la présence de titanium de fer dont le point de fusion se situe respectivement aux environs de 1660° C et de 1530° C formant ainsi des oxydes avec le cristal (AL 0 ) aluminium. Le nombre d’inclusions contenues dans ces produits déterminera la longueur de l’opération.
 
La présence d’ilménite prolongera cette opération par suite du titanium et du fer (TiF2O3).
 
Les rubis et saphirs roses sont aussi chauffés pour réduire ou éliminer la couleur bleu-pourpre ou brunâtre. La chauffe parvient aussi à réduire les zones ou stries de colorations bleues et élimine la « soie » qui altère la vivacité de la couleur. 
 
La technique de chauffe a aussi connu une évolution car actuellement le four électrique remplace de plus en plus les fours archaïques. Plus précis, plus facilement réglable le four électrique permet le contrôle de la chauffe.
 
La plus grande partie des saphirs et rubis que nous voyons sur le marché ont été chauffés. Pour un rubis ou saphir non chauffé, avec certificat d’authenticité, le prix augmente rapidement. Bien que dans le négoce des pierres précieuses on « accepte » ou plutôt on tolère les rubis et saphirs chauffés au même titre que les émeraudes huilées à l’huile de cèdre.
 
Eddy Vleeschdrager
 
 
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