Histoire de la taille du diamant à l’échelle industrielle | FR

Le 5ièm Congrès International des tailleurs de diamant se tient à Anvers le 20, 21 et 22 septembre 1897. Des délégations de France, Hollande, Suisse et Allemagne sont reçues par leurs camarades belges.

L’ouverture a lieu le dimanche matin avec un cortège bigarré au travers du centre de la ville suivit par une réunion animée, où l’agenda du congrès est discuté. Comme d’habitude le problème des apprentis est à l’ordre du jour, suivi de la réduction des heures de travail. Les congressistes exigent ainsi la journée à 10 heures soit la semaine de 60 heures, l’installation d’un secrétariat international et l’abolition du travail à la pièce (qui n’a d’ailleurs jamais été supprimée). Lors du banquet le président du syndicat anversois souhaitant la bienvenue aux délégations étrangères leva son verre en leurs honneurs. Un représentant d’Amsterdam, un certain Lazarus, se leva indigné qu’un président d’un syndicat ayant le rôle d’exemple pour les ouvriers, ose boire de l’alcool, le secrétaire général répliqua que levé son verre à la santé des invités est une tradition centenaire et l’incident fut clos. L’incident provoqua tout de même une hilarité surtout à Amsterdam où le terme « lazarus » désigne justement être « bourré ». Le congrès se termina avec un appel aux militants pour une association forte et internationale.
 
Pourtant sur le terrain la semaine de 60 heures s’avéra difficile, la où la semaine habituelle était de 70 heures et plus, pour un syndicat sans moyens financiers. Déclarer une grève comprenait des risques car selon l’article 310 du code pénal (plus tard supprimé), la loi pénalisait fortement les semeurs de troubles et protégeait les non-grévistes. Malgré tout une grève fut déclarée dans une taillerie rue Lamorinière qui rapidement s’étala vers les autres tailleries anversoises. Le patronat étant subdivisé en fabricant, entrepreneur et propriétaire d’usine, la tâche du syndicat n’était pas facile. Devant les plus récalcitrants le syndicat envoya des délégués « imposants et bagarreurs », la suite fut souvent rude et à la limite de la légalité.
 
Heureusement le conflit se termina par une rencontre patronat et syndicat où chacun reçu l’occasion de s’exprimer. Les uns étant certain que les exigences des syndicats entraîneraient le déclin du secteur diamantaire anversois, les autres étant certain du bien fondé de leurs revendications. La grève se terminant après quelques jours par un accord, qui fut partiellement suivie par le patronat. Plusieurs tailleurs furent d’ailleurs congédiés des grandes usines. La seule solution pour aider leurs camarades dans la misère fut de créer une copérative. Cette copérative se termina quelques mois plus tard sans bénéfices ni pertes. Bien que le syndicat principalement socialiste, est devenu plus puissant, d’ancienne rancune font surface. Nous sommes en 1898 une bonne cinquantaine d’années après l’indépendance de la Belgique et la Hollande reste pour la population, le prétentieux voisin du nord. Les tailleurs Hollandais ne payent pas leurs cotisations ou ne font plus partie du syndicat, d’autre part les tailleurs catholiques ne veulent pas adhérer à un syndicat « rouge ».
 
Le premier Mai 1899, l’ADB est un des premiers syndicats qui décide d’organiser la fête du travail, à cette fin les tailleurs devaient arrêter le travail. Bien que l’idée ne faisait pas l’unanimité (la journée n’étant pas payée) on décida de donner un air de fête au siège du syndicat. Des branches de sapins piqués de roses en papier rouge fleurissaient la façade. La location d’une fanfare n’étant pas accessible vu la situation financière, l’on opta pour un orgue de barbarie ayant au moins sur son répertoire, à défaut de « l’internationale » qui a été éditée en 1888, « La Marseillaise ». Le soir une harmonie socialiste vint donner une sérénade à la grande joie des organisateurs. Le syndicat décida depuis, que le 1er mai serait un jour férié obligatoire. D’année en année les festivités prirent de l’ampleur et du faste pour devenir une des journées les plus hautes en couleurs du début du 20ième siècle de la ville Anvers.
 
Pourtant la problématique des apprentis restait la pierre d’achoppement des syndicats. Le grand publique ne comprit pas qu’un syndicat ouvrier restait attaché aux méthodes médiévales des guildes et corporations. Il était pourtant un fait que le secteur était régulièrement confronté à des périodes de fastes suivies de périodes de disettes. Dans une chanson populaire était même écrit « un tailleur de diamant peut être attrapé avec des miettes de pain ». Lors de ces crises économiques régulière, les apprentis étaient les premières victimes.
 
Le conflit entre un syndicat voulant un strict contrôle sur la restriction des apprentis et le patronat voulant plus de flexibilité sur ce sujet tourna finalement fin 1898 en une confrontation inévitable. Début 1899 des grèves éclates à nouveau dans les ateliers contrôlés par le syndicat au grand dam des fabricants et entrepreneurs. Ceux-ci décident un lock-out pour toute les usines (la période étant tout de même calme).
 
Une réunion exclusivement pour les employeurs est organisée au mois de juin au café Tivoli, rue du Pélican, qui était une belle guinguette avec un beau jardin. Un podium y est installé où un délégué syndicale parvient a s’y faufiler a la barbe et la moustache des organisateurs. Tout les discours et votes à huit clos sont minutieusement notés par le scribe syndicaliste installé sous le podium et qui parvient à s’éclipser à la fin des débats. Deux compères l’attendent à la sortie pour faire imprimer le texte en toute vitesse. Les employeurs reçoivent le soir même, après avoir assouvit leurs soif et à leur grand ahurissement le texte avec tout les détails et résultats des votes, lorsqu’ils quittent l’établissement « Trahison ! ».
 
Le lock-out décidé par le patronat ne durera que quelques jours et un accord est signé pour une paix sociale.