Automatisation | FR

Célébrer les bienfaits ou dénoncer les méfaits de l’automatisation sous ses formes les plus diverses est l’une des occupations favorites du monde des médias.

Aussi «l’homme de la rue» ne manque-t-il pas de sources d’information; mais lui est-il facile d’opérer la synthèse des connaissances qu’il a pu ainsi recueillir?

Tantôt le vocable automatisation s’applique à une amélioration de certains appareils ménagers ou à un perfectionnement de la boîte de vitesses des automobiles, tantôt il concerne des procédés de fabrication industriels. Parfois, il se rapporte au processus qui s’accomplit, presque sans intervention humaine, lorsqu’un satellite est mis sur orbite, puis commercialement exploité; ou encore, il désigne l’utilisation de machines dans les opérations de réservation et de vente de places dans les avions.

Au cours des années 1970, le robot a cessé d’être une curiosité de foire-exposition et est entré dans l’usine pour remplacer l’ouvrier en reproduisant ses principaux gestes. Bientôt, il sera doué d’intelligence artificielle et saura reconnaître son environnement, déterminer certains de ses gestes et perfectionner lui-même ses comportements.

Quels points communs relient les techniques ainsi mises en œuvre? Il est inutile d’insister sur l’existence d’un double langage: celui des techniciens, inaccessible au grand public, et le langage, accessible, mais déformé, de ceux qui veulent créer le sensationnel, par exemple en employant, pour des motifs commerciaux, le terme automatisation ou un terme de la même famille dans la publicité.

Dans son acception moderne, le mot automatisation et ses dérivés concernent des techniques ou des processus complexes plutôt que des perfectionnements d’appareils simples et courants. Du reste, les réalisations ont largement précédé, en ce domaine, les études théoriques. C’est seulement l’effort industriel suscité par la Seconde Guerre mondiale qui a fourni l’occasion de mettre en place les disciplines de base, à caractère mathématique. Elles s’enrichissent de jour en jour et bénéficient parallèlement des travaux consacrés au traitement de l’information – domaine propre de l’informatique –, sur lesquels elles s’appuient sans cesse. L’ensemble des connaissances théoriques ainsi acquises est parfaitement cohérent; il constitue la science de l’automatique  [cf. AUTOMATIQUE].


1. Automatisation et intervention humaine

Une automatisation est une technique ou un ensemble de techniques ayant pour but de réduire ou de rendre inutile l’intervention d’opérateurs humains dans un processus où cette intervention était coutumière. Il n’y a évidemment pas automatisation lorsque l’opérateur humain est remplacé par la force animale, ni lorsqu’un processus artificiel est substitué à un processus naturel. L’automatisation désigne uniquement une transformation de processus exclusivement créés par l’homme: techniques ou ensemble de techniques. Elle tend donc à économiser l’intervention humaine sous toutes ses formes (apport d’énergie mis à part):

– appréciation, mesure et surtout évaluation de grandeurs (substitution d’un automatisme aux perceptions sensorielles);

– décision simple à partir de critères (substitution d’un traitement d’information au jugement de l’intelligence);

– organisation, gestion, optimalisation (substitution d’un traitement d’information, de mémoires auxiliaires, de systèmes autodidactiques, au jugement de l’intelligence éduquée et assistée d’une documentation).

Ainsi, l’automatisation peut s’appliquer à des processus qui ne mettent en œuvre aucune énergie physique appréciable: détection; contrôle et mesures; calculs en temps réel, c’est-à-dire à mesure que le processus se déroule, en vue d’en assurer la conduite; gestion en temps réel d’un processus en vue d’en contrôler strictement l’économie; diagnostic; reconnaissance des formes, c’est-à-dire identification à partir de multiples critères. L’automatisation peut atteindre divers degrés de complexité dont la classification a été établie [cf. AUTOMATIQUE].

Une caractéristique de l’automatisation moderne est qu’elle n’a pas toujours pour but d’assurer directement la commande des processus mais parfois seulement d’apporter une aide à la décision. C’est le rôle de ce que l’on appelle les systèmes d’intelligence artificielle qui, s’ils ont une vocation spécifique, sont nommés systèmes experts. Ces systèmes d’intelligence artificielle se répandent rapidement dans l’assistance à la conception, au diagnostic, à la maintenance, etc.

On ne peut parler d’automatisation sans tenter de définir le robot . Une des définitions qui en ont été proposées est «manipulateur reprogrammable et multifonctionnel conçu pour transporter des pièces, des outils ou des systèmes spécialisés, avec des mouvements variés et programmés dans le but d’exécuter des tâches variées».

Le robot dit de première génération répète les gestes qu’on lui a appris ou qui ont été programmés; il ne sait rien sur son environnement. Le robot de deuxième génération est capable d’acquérir certaines données sur son environnement grâce à des «sens» embryonnaires; le robot de troisième génération comprendra un langage proche du langage oral et sera capable de résoudre de véritables problèmes après avoir perfectionné lui-même son propre savoir-faire. Les robots de ce type seront de véritables systèmes experts, travaillant en temps réel [cf. ROBOTS].
 

2. Architecture générale des systèmes automatisés

Avant de décrire les composants de l’automatisation, il faut les situer dans l’architecture générale d’un système automatisé. La figure présente la structure générale des processus d’action applicables, entre autres, aux systèmes automatiques. Tous les éléments de ce schéma ne sont pas forcément présents dans un système donné. L’information de commande est le programme imposé au processus, l’information d’état est une description de l’état du processus et des moyens d’action sur le processus, qualifiés d’«ordres aux actionneurs». Ceux-ci appellent l’énergie qui est nécessaire au processus.

L’existence d’inévitables perturbations justifie le bouclage du système, c’est-à-dire le traitement, ou la (contre-) réaction, qui apporte la correction des effets des perturbations.

C’est par la qualité du traitement de l’information que se distinguent les types de systèmes. La dernière partie de cet article décrit ces systèmes en les classant par perfection croissante; automatismes à séquences, systèmes asservis, systèmes adaptatifs, structures auto-adaptatives, systèmes autodidactiques, systèmes d’intelligence artificielle.

 
3.   Composants utilisés dans l’automatisation

Information et variables d’état

Avant de classifier les composants des systèmes automatiques, il y a lieu d’examiner de quelle façon les grandeurs et les événements intervenant dans l’automatisation sont traduits en grandeurs de substitution que le système puisse traiter. L’information concernant soit la commande du système, soit les variables d’état, peut revêtir deux formes, numérique ou analogique.

– Dans la forme numérique , chacune des grandeurs qui constituent l’information est exprimée par un nombre. Pour une variable continue ou quasi continue, ce nombre, qui comporte d’autant plus de chiffres que la traduction doit être plus précise, n’appartient généralement pas au système décimal, où dix chiffres représentatifs sont utilisés, mais à un système à peu de chiffres (généralement deux: systèmes binaire ou dérivés, comme le décimal codé binaire, ou D.C.B.). Pour une variable discontinue susceptible de prendre seulement quelques états distincts – souvent deux, dits tout ou rien, ou T.O.R. –, les états sont généralement traduits par les combinaisons d’un petit nombre de chiffres (généralement deux: systèmes binaire et dérivés). Les états ci-dessus sont universellement repérés par les chiffres 0 et 1, chiffres appelés bits  (de l’anglais binary units  ou digits ).

– Dans la forme analogique , chacune des grandeurs qui constituent l’information est susceptible de variation continue; chaque grandeur (physique) est traitée par un «transducteur» qui la transforme en une autre grandeur physique (le plus souvent électrique) qui lui est proportionnelle (ou, au moins, lui correspond de façon biunivoque).

La traduction numérique, ou codage, des grandeurs physiques continues est un problème généralement résolu par des méthodes électroniques (utilisation d’amplificateurs, de circuits logiques, voire de microprocesseurs), parfois associées à des moyens optiques ou mécaniques. Les grandeurs ainsi codées peuvent se trouver brouillées par des signaux parasites apparaissant en particulier sur les lignes de transmission, qui doivent donc être protégées. Une façon efficace de protéger les signaux est de les transformer en impulsions lumineuses par des convertisseurs opto-électroniques (phototransistors, photodiodes, diodes lasers) et de les transmettre par des fibres optiques, ce qui permet de transférer une grande quantité de signaux par unité de temps sans risque de brouillage.

Cette observation est particulièrement importante pour les utilisations militaires, où l’une des causes les plus redoutées de brouillage est le rayonnement électromagnétique causé par les explosions nucléaires (techniques de «durcissement»).

Pour les variables discontinues, exprimées principalement en binaire, dont le traitement est communément baptisé logique, on fait appel tant aux domaines électrique et électronique qu’aux domaines pneumatique, hydraulique et mécanique. Les techniques de logique utilisent une famille de cellules élémentaires connectées les unes aux autres. Par commodité, ces cellules seront désignées ici sous le vocable très usité de circuits logiques.

Un tel circuit comprend essentiellement une entrée, une sortie et un apport d’énergie auxiliaire; il est construit pour recevoir, à son entrée, des signaux issus des sorties de circuits similaires et pour émettre, à sa sortie, un signal qui sera reçu par les entrées de circuits similaires. Ces signaux ne peuvent avoir que deux valeurs, parfaitement distinctes l’une de l’autre, dites états, qui sont repérées conventionnellement par les chiffres 0 et 1.

Les circuits logiques ont couramment plusieurs entrées et plusieurs sorties. Il existe une combinaison deux à deux de circuits logiques, dite mémoire ou bascule, dont l’état de sortie est conservé après disparition du signal qui avait provoqué son apparition . Les assemblages de mémoires élémentaires forment des registres, des compteurs, etc., constamment employés en automatisme séquentiel.

En technique électrique, les ensembles logiques sont constitués par des relais électromécaniques.

En technique électronique, les circuits logiques ont d’abord été réalisés au moyen de transistors (commandés en tout ou rien) et de résistances, puis par des assemblages de jonctions transistors et d’éléments équivalents à des résistances, réalisés en couches minces à l’échelle microscopique, portant le nom de circuits intégrés. Cette technique permet une très grande «densité» des ensembles logiques [cf. CIRCUITS INTÉGRÉS].

Cette densité ne cesse de croître avec les progrès des moyens de production de la microélectronique. On peut ainsi disposer, sur une seule pastille de silicium, de registres de mémoire d’une capacité considérable, de sorte que des variables numériques codées en mots de 8 ou 16 bits et même 32 bits (c’est-à-dire avec précision) peuvent être stockées par centaines de milliers. Cela a permis de réaliser dès la fin des années 1970, avec quelques boîtiers plats de quelques centimètres carrés de surface, l’équivalent d’une unité centrale d’un ordinateur classique avec une large capacité de mémoire et un temps de cycle court – inférieur à la microseconde [cf. MICROÉLECTRONIQUE].

Les microprocesseurs permettent, dans les automatismes modernes, des traitements d’information décentralisés. Ils sont particulièrement utiles pour:

– le codage des grandeurs physiques intervenant dans l’automatisation et leur traitement par fonction de transfert, linéaire ou non;

– le filtrage par logiciel du bruit et des valeurs erratiques (traitement dans les capteurs ou en association avec eux);

– la transmission des informations au moyen de lignes de communication (transmission asynchrone en série des bits composant les informations sur des lignes de plus en plus rapides);

– le traitement des variables d’état pour réaliser les conditions optimales de stabilité et de performance des systèmes bouclés [cf. AUTOMATIQUE];

– la gestion des alarmes et des signaux de service.

On ne saurait donner ici ne serait-ce qu’un aperçu du vaste domaine des capteurs et transducteurs destinés à transformer une grandeur physique en un signal analogique ou numérique. Les réalisations sont innombrables dans les domaines de la dynamique et de la cinématique, de la physico-chimie (débits, pressions, volumes, températures), de l’optique (y compris l’analyse d’image) et de l’acoustique.

On distingue, en particulier en robotique, les capteurs «proprioceptifs», qui permettent de contrôler les déplacements relatifs des parties d’un système les unes par rapport aux autres, des capteurs «extéroceptifs», destinés à fournir des renseignements sur l’environnement; ces derniers sont susceptibles de développements considérables dans l’avenir [cf. ROBOTS].

Une grande variété de moyens sont mis à la disposition des automaticiens dans le domaine du traitement des signaux analogiques: amplification, transformation mathématique simple indépendamment de la variable temps, ou au contraire en fonction de cette variable (intégration, dérivation). Il existe actuellement une gamme complète de dispositifs électroniques effectuant ces opérations sans difficulté avec une bonne précision, les amplificateurs opérationnels [cf. AMPLIFICATEURS OPÉRATIONNELS].

Cependant, la nouvelle facilité de traitement des signaux numériques apportée par les microprocesseurs assure une précision supérieure, y compris pour les signaux évoluant rapidement; elle tend à faire préférer les méthodes numériques aux méthodes analogiques. Celles-là devraient permettre, en outre, de rejeter par traitement informatique les données erratiques et le «bruit».

Les deux types de traitement coexistent dans les mêmes systèmes et il faut donc pouvoir convertir les signaux analogiques en signaux numériques et vice versa. C’est le rôle des convertisseurs analogique-numérique et numérique-analogique, composants essentiels des systèmes automatiques.

On évoquera ici, pour être complet, les technologies qui utilisent, tant pour les capteurs que pour les traitements analogiques et la logique séquentielle, des composants dont l’élément actif est un fluide, en particulier l’air ou un gaz comprimés. Elles ont connu leur heure de gloire dans les installations où les liaisons électriques sont redoutées (atmosphères explosibles, prescriptions de sécurité intrinsèque). Elles sont associées à des actionneurs de la même famille et conduisent à des solutions rustiques et toujours appréciées pour leur économie et leur robustesse.

Actionneurs

Le rôle des actionneurs est de commander le processus à partir des ordres émis par le système de traitement de l’information, dans le langage d’information du système. Les actionneurs gouvernent les échanges d’énergie des organes principaux du processus.

Quand l’information de «sortie» est donnée sous forme logique, donc discrète, les actionneurs les plus répandus sont: en technique électrique, les contacteurs électromagnétiques et les électrovannes; en technique électronique, les amplificateurs de puissance par tout ou rien (transistors, thyristors, thyristors à extinction commandée, dits G.T.O. – Gate Turn Over); en technique des fluides, les vannes, les distributeurs, les vérins, les vannes commandées par fluides.

Quand l’information est à variation continue, les actionneurs les plus répandus sont:

– En électricité, les moteurs à vitesse variable, soit à courant continu, soit à courant alternatif de fréquence variable. Les premiers sont désormais tous alimentés par des redresseurs commandés à semiconducteurs (transistors, thyristors, thyristors G.T.O.), assurant, si nécessaire, la fourniture du couple dans les deux sens avec les deux sens de rotation, c’est-à-dire l’échange de l’énergie dans les deux sens. Les seconds, de type synchrone ou de type asynchrone à cage suivant les cas, sont alimentés par des convertisseurs de fréquence utilisant les mêmes types de semiconducteurs. Il est désormais possible d’introduire dans les régulateurs électroniques de commande des convertisseurs des circuits correcteurs des réactions d’induit, de sorte que les performances peuvent être alignées sur celles des moteurs à courant continu. Les moteurs alternatifs, plus fiables et moins sensibles à l’environnement, permettent de mieux résoudre le problème de l’adaptation du moteur à la charge entraînée. Ils permettent aussi l’accès aux plus grandes vitesses et aux plus grandes puissances. L’arrivée sur le marché d’aimants à hautes performances a permis de réaliser des servomoteurs électriques très robustes, à faible inertie et de grande qualité, de type continu, synchrone, et même à réluctance variable.

– En hydraulique, les moteurs associés à des pompes à débit variable – ces derniers présentant un avantage par rapport aux moteurs électriques sur le plan des inerties et des encombrements –, ou encore les vérins contrôlés par des servovalves, au besoin à débit variable et contrôlées elles-mêmes électroniquement.

Il faut aussi mentionner les moteurs «pas à pas». Commandés électroniquement, ces moteurs ont la particularité de tourner par bonds successifs d’un angle fixe dit incrément. Lorsqu’ils reçoivent un train de n  impulsions, ils procèdent de n  incréments; il s’agit d’une façon très simple de commander un positionnement d’organe mécanique sans asservissement. Ces moteurs appartiennent à la famille des moteurs à réluctance variable. Ils peuvent être équipés d’un amplificateur de couple hydraulique.

Les actionneurs ont pour mission de gouverner les transferts d’énergie à partir de signaux issus de système d’automatisation. Il est nécessaire qu’ils répondent avec précision, fidélité, rapidité aux signaux de commande. Comme ils ne possèdent pas toujours toutes ces qualités, et que les signaux de commande sont «à bas niveau» (ils doivent donc être amplifiés), il est souvent nécessaire d’associer à chacun de ces actionneurs un système d’amplification et des capteurs en contre-réaction, afin de constituer un système asservi  [cf. AUTOMATIQUE]. De cette façon, ils sont doués des qualités requises. Cela est de pratique courante pour les servomoteurs de positionnement, les moteurs à vitesse variable, les vérins hydrauliques.

Aux actionneurs, dont la tâche est le mouvement des solides, sont généralement associés des mécanismes dont le fonctionnement peut être décrit par ce que l’on appelle la chaîne cinématique.

La chaîne cinématique des robots est un exemple très représentatif de l’agencement des actionneurs d’automatisation mettant en œuvre des asservissements.

Un robot se compose, facultativement, d’un véhicule qui le positionne à portée de ses tâches et, obligatoirement, d’un porteur qui a pour rôle d’amener l’organe terminal dans un endroit précis. Le positionnement du porteur par rapport au véhicule comporte au moins trois degrés de liberté (rotations indépendantes 1, 2, 3; pas de translation). L’organe terminal (pince ou outil) exige lui-même trois degrés de liberté (rotations indépendantes 4, 5, 6; pas de translation). Un robot a donc au moins six degrés de liberté . L’existence d’un véhicule ou d’un bras télescopique augmenteront le nombre de degrés de liberté.

Rôle des ordinateurs

Pour commander rationnellement les mouvements de cette chaîne mécanique articulée complexe, il faut en avoir une représentation sous forme d’équations, c’est-à-dire un modèle. Moyennant certaines hypothèses simplificatrices, ce modèle est un algorithme de relations vectorielles traduites en matrices (modèle géométrique), corrigé de conditions restrictives sur les efforts, vitesses et courses de déplacement, des conditions d’anticollision (modèle cinématique) et d’autres conditions restrictives sur les efforts et contraintes internes (modèle dynamique).

Si l’on veut, par exemple, seulement télécommander, puis mémoriser un certain nombre de gestes de l’outil, l’expérience montre qu’il vaut mieux avoir recours à un ordinateur pour élaborer, en temps réel, les signaux de commande (références) des asservissements, grâce à ces modèles.

Le rôle de l’ordinateur est:

– de traiter l’information donnée par les capteurs et les consignes (provenant plus ou moins directement des commandes opérateurs) pour produire les ordres destinés aux actionneurs;

– d’optimiser le processus commandé, ce qui nécessite une identification de celui-ci sur un modèle; ce dernier résulte d’une étude mathématique et peut être auto-adaptatif, c’est-à-dire qu’il ajuste lui-même certains paramètres par des tests qu’il effectue en cours d’exploitation;

– de réaliser le dialogue homme-machine (envoi des ordres et réception de comptes rendus analytiques, affichage des grandeurs mesurées).

Les composants essentiels du système informatique sont:

– une unité centrale (ordinateur) comprenant une mémoire d’accès rapide, les registres de traitement et d’entrée/sortie;

– une ou plusieurs mémoires de masse;

– des convertisseurs de signaux analogique-numérique et vice versa;

– les circuits d’entrée/sortie et leurs moyens de transmission vers les capteurs, les actionneurs, les alarmes, le système de dialogue homme-machine;

– les moyens du dialogue homme-machine (écrans cathodiques, claviers alphanumériques, afficheurs, boutons poussoirs et voyants lumineux);

– les imprimantes pour comptes rendus et programmation;

– les logiciels (logiciel spécifique, en langage évolué, logiciels de base, procédures et protocoles).

On peut dégager quatre tendances dans la conception des systèmes informatiques de l’automatisation:

– importance du confort du dialogue homme-machine, qui suppose l’emploi d’écrans cathodiques en couleurs avec toute une panoplie de symboles et graphismes pour fournir des informations sous forme de schémas; différentes «photographies» peuvent être présentées sur demande, avec grossissement «à la loupe» de points particuliers; ainsi, les appareils de mesure classiques à cadran et aiguille se font rares, et l’opérateur ne se déplace plus le long de tableaux de dizaines de mètres, comme par le passé.

– limitation des commandes à quelques manettes et pédales;

– emploi de langages évolués pour le logiciel afin de traiter des modèles mathématiques de plus en plus complexes;

– décentralisation des traitements informatiques (traitement au niveau des capteurs, des actionneurs, du dialogue homme-machine) et hiérarchisation des fonctions (échanges entre les systèmes d’automatisation et les systèmes de gestion d’une unité de production).

Là où l’ordinateur, avec son langage évolué, l’importance de sa mémoire, la rapidité de son traitement, est trop coûteux, on lui préfère l’automate programmable. Ce dernier a la même architecture qu’un petit ordinateur; mais, pour des raisons d’économie, une partie de sa mémoire ainsi que les logiciels de compilation ou d’interprétation ont été sacrifiés. Le langage de la machine est un langage peu évolué, accessible aux non-informaticiens, et proche du mode de pensée des électriciens.

Il est conçu pour traiter surtout des problèmes de logique séquentielle, des signaux de type tout ou rien, mais peu ou pas de calculs arithmétiques. De ce fait, il traite rapidement, et c’est son atout.

Devant la diversité des automates programmables existants et des langages associés, il est devenu nécessaire de créer une méthodologie de rédaction du logiciel de ces appareils. Il s’agit d’une méthode d’analyse des processus de type graphique permettant de rationaliser la structure des programmes. La plupart des machines françaises ont adopté une procédure normalisée appelée Grafcet.

On recherche désormais la décentralisation des traitements et la hiérarchisation des fonctions; de plus, les systèmes automatisés sont de plus en plus étendus: les liaisons de transfert d’information de plusieurs kilomètres ne sont pas rares.

En réponse à ces besoins, on a créé des architectures de systèmes dont les caractéristiques sont les suivantes:

– fonctions d’automatisme réparties;

– mise en commun de données;

– liaisons intermachines «transparentes»;

– conduite centralisée.

De telles architectures s’articulent obligatoirement autour de réseaux locaux d’interconnexion entre machines programmables, supports d’une base de données commune, dont l’accès doit être transparent à partir de chacune des machines distribuées.

Pour les contrôles de processus (à réactions généralement lentes), on dispose de lignes de communication, dites bus, capables de transférer de grands volumes d’information (beaucoup de points de mesures gérés), quitte à ce que ces informations ne soient pas très souvent mises à jour («rafraîchies»). Pour le contrôle des portions du système regroupées autour d’une fonction locale, associée, par exemple, à des mouvements mécaniques, des réglages de vitesses d’organes mécaniques, des enchaînements qui réclament des interventions fréquentes et rapides, on dispose de bus locaux qui ne peuvent transférer que de petits volumes d’information, mais qui sont capables de rafraîchir cette information très souvent.

Lorsqu’un grand système automatise un processus complexe, ce dernier est sous la dépendance de multiples fonctions locales qui en assurent le bon déroulement, tandis que lui-même est soumis à des directives générales qui lui viennent «d’en haut» (intervention humaine directe, ou consignes élaborées par un autre système de hiérarchie supérieure: par exemple, le système de gestion des commandes clients et des stocks).

Ainsi, l’architecture d’automatisme d’un tel système comprend un réseau de communication, processus bâti autour d’un bus à grande capacité et à faible taux de renouvellement des informations et de plusieurs réseaux de communication locaux, bâtis chacun autour d’un bus à capacité plus modeste, mais à fort taux de renouvellement des informations.

Divers sous-ensembles spécialisés sont répartis le long de ces bus en fonction des besoins; la figure donne une représentation symbolique de cette architecture. Le tableau donne, à titre d’exemple, les caractéristiques de systèmes pour l’automatisation de processus continus ou semi-continus. Ces caractéristiques correspondent à des performances moyennes avec la technologie du moment.

Ce type d’architecture, conçu pour le contrôle des processus continus (tels que le laminage de bandes d’acier ou la synthèse chimique), est aussi applicable aux processus discontinus (ateliers d’usinage ou de montage en mécanique, utilisant robots et centres d’usinage). Dans ce dernier cas, les réseaux locaux sont intégrés dans les robots ou les centres d’usinage. À titre d’exemple, un robot à six degrés de liberté (dit à six axes) est équipé au minimum d’une unité pilote à microprocesseur, et de six unités esclaves à microprocesseur; l’unité pilote dialogue avec le système de hiérarchie supérieure.

Ces architectures comportent de nombreux logiciels standards destinés aux transferts d’information par les bus, et au dialogue homme-machine (par exemple, préparation des représentations graphiques).

4. Principales applications

Automatismes à séquences

Historiquement, les premières tentatives d’automatisation ont eu lieu dans le domaine des automatismes à séquences chronométriques réalisés par les artisans horlogers [cf. AUTOMATE].

Ces curieuses tentatives ouvrirent la voie au perfectionnement des machines-outils dans le textile, dans l’imprimerie, puis dans les industries mécaniques, contraintes de fabriquer des armements en grande série pendant la Première Guerre mondiale. Ces progrès permirent, dès l’après-guerre, de développer dans l’industrie automobile, en particulier, la production de masse. D’où l’apparition, lors de la Seconde Guerre mondiale, des machines-transferts. Celles-ci, construites en ligne ou en carrousel, assurent l’usinage simultané d’un certain nombre de pièces prises à des stades successifs de finition: à chaque passe d’usinage, une pièce nouvelle entre dans la machine en même temps que chacune est décalée d’un poste et que la dernière pièce achevée quitte la machine. Il s’agit là d’une automatisation séquentielle relativement complexe, dont le cycle est soit chronométrique, soit réglé par les variables d’état (comptes rendus d’exécution des passes d’usinage). Ce sont des automatismes où l’électricité, l’électronique, les fluides et la mécanique ont leur part.

Un autre exemple très répandu d’automatisation séquentielle est la conduite des mouvements d’ascenseurs, individuellement ou par batterie, avec les systèmes de priorité et de réservation actuellement en voie de généralisation.

Dans les automatismes séquentiels les plus perfectionnés, un automate programmable, ou un ordinateur, compare périodiquement l’information d’état avec l’information de commande afin d’élaborer les ordres à communiquer aux organes commandés. Cette façon de procéder présente l’avantage de permettre une modification aisée de la programmation (flexibilité) des moyens de rendre compte du déroulement des opérations.

Lorsque la complexité augmente, un véritable dialogue homme-machine, parfois l’auto-adaptation, l’optimisation sont nécessaires, et les automatismes appartiennent aux systèmes plus évolués décrits plus loin. C’est le cas du magasinage automatique, du test automatique (en cours de fabrication ou pour la maintenance), du triage des wagons, de la commutation téléphonique, dans leurs conceptions actuelles.

Systèmes asservis

L’ancêtre de la famille des systèmes asservis, ou servomécanismes, est vraisemblablement le régulateur de Watt, destiné à rendre la vitesse de rotation des machines à vapeur indépendante de la charge. L’emploi des régulateurs a suivi de peu celui de la force motrice, mais le développement des servomécanismes de précision est beaucoup plus récent: ils ont été considérablement perfectionnés au cours de la Seconde Guerre mondiale, par suite des progrès des armes aériennes et antiaériennes, pour résoudre les problèmes de pilotage automatique des avions, des fusées et des navires, ainsi que les problèmes de guidage vers l’objectif.

Ces progrès sont dus en partie au développement parallèle de la théorie des systèmes asservis qui est, en ce domaine, l’outil mathématique de base des ingénieurs. Il n’existe plus, à l’heure actuelle, d’équipement de production ou d’emploi d’énergie de quelque importance qui ne soit placé sous la dépendance d’un régulateur plus ou moins complexe, ajustant les différents paramètres de l’énergie transférée. Comprenant des asservissements auxiliaires de limitation, ils assurent une protection efficace contre les surcharges.

La plupart des processus continus ou semi-continus de fabrication des demi-produits métallurgiques (laminage), des industries du papier et de la feuille plastique, de même que la chimie de base, ou la production du verre ou des matériaux, font appel à des systèmes asservis pour le contrôle de la force motrice et des transferts d’énergie. Cela a permis d’accroître simultanément la productivité des lignes de fabrication et la qualité des produits.

De même, le fonctionnement des robots fait appel à des asservissements de position qui constituent l’essentiel de la commande lorsqu’il s’agit de simples télémanipulateurs.

Le pilotage automatique des véhicules est fondé sur des systèmes asservis.

Dans les variantes les plus simples de ces divers exemples, les références, c’est-à-dire les grandeurs d’entrée, ou consignes, sont introduites par les opérateurs humains à l’aide de manettes, leviers ou pédales à action progressive. Les efforts nécessaires pour manœuvrer ces commandes sont exactement dosés selon des données ergonomiques.

Mais il est de plus en plus fréquent que la relation homme-machine soit plus complexe et que le système suggère ou impose à l’opérateur une solution optimale. Les références des asservissements sont alors élaborées par le système et non plus réglées directement (sauf en marche de secours).

À l’instar des automatismes à séquences, les systèmes asservis sont souvent partie intégrante – et essentielle – des systèmes plus évolués décrits plus loin.

Systèmes adaptatifs

Le traitement qui élabore les moyens d’action est fondé sur une comparaison entre l’information de commande et l’information d’état . Ce traitement est d’autant plus efficace que l’on dispose d’un modèle du système pour pouvoir prédire son comportement en fonction des variations de l’information de commande et des perturbations extérieures. On a recours à une modélisation qui consiste à trouver les variables et la forme des équations qui régissent le processus, puis à une identification dont l’objet est l’évaluation des paramètres contenus dans ces équations. Ce modèle est généralement placé dans un ordinateur. Il permet de donner, en temps réel, à mesure du déroulement du processus, les consignes aux automatismes locaux qui gouvernent les actionneurs.

Étant donné la complexité du processus, il est souvent demandé d’atteindre les objectifs de la meilleure manière possible, c’est-à-dire d’optimiser les performances, par exemple en améliorant statistiquement les résultats en minimisant l’écart quadratique moyen de telle grandeur de sortie.

Dans la pratique, les systèmes à modélisation du processus sont maintenant très répandus, notamment dans l’industrie lourde. Dans la sidérurgie, la conduite des hauts fourneaux (calcul de la charge et chargement automatique du minerai, des fondants et du coke, réglage des apports calorifiques et du débit d’air) est régie par un modèle mathématique qui calcule le bilan du fer et du carbone, ainsi que le bilan thermique. Il en est de même pour la conduite des aciéries, des laminoirs et des installations de parachèvement et de traitement de surface des demi-produits. Ainsi, dans le cas d’un laminoir à froid à plusieurs «cages», le modèle détermine les vitesses de rotation des cylindres de laminage, les écartements de leurs axes, la traction exercée dans le métal entre les cages successives et par les bobineuses, le débit d’arrosage par le liquide de refroidissement. L’objectif est de respecter une qualité, qui s’exprime en pourcentage de longueur et de largeur, obtenue avec une tolérance d’épaisseur donnée.

Des procédés similaires sont appliqués à la conduite des fours, des réacteurs, des colonnes à distiller, dans les industries des matériaux et la chimie de base.

Pour les robots classiques, la modélisation porte sur la cinématique (pour tenir compte des limites de course, de vitesse et d’accélération, ainsi que des obstacles) et sur la dynamique (pour tenir compte des limites d’effort et des déformations des organes du robot). Le but de cette modélisation est d’optimiser, d’une part, les tâches de l’outil, d’autre part, sa trajectoire, dont les opérateurs ne programment qu’un certain nombre de points.

L’identification du modèle, c’est-à-dire l’évaluation numérique des paramètres qui apparaissent dans les équations de ce modèle, peut se faire grâce à des tests. Si ces tests sont effectués en dehors des périodes de production, c’est l’apprentissage . Dans le cas des robots, il s’agit essentiellement de la mise en mémoire des points de la trajectoire, des trajectoires de contournement et des tâches de l’outil. Cet apprentissage est accompli soit au moyen d’un petit pupitre mobile avec lequel on télécommande le robot, soit au moyen d’une sorte de maquette du robot, appelée syntaxeur. Il existe cependant des langages évolués qui permettent de rédiger le programme de travail du robot sans passer par l’apprentissage et sans immobiliser la machine.

Structures auto-adaptatives

L’identification du modèle suppose donc des tests. Dans les structures auto-adaptatives, les tests sont faits automatiquement: le système effectue des expériences en dehors des périodes de production, ou il analyse le comportement de certains de ses organes grâce à des tests échantillonnés pendant le fonctionnement, procédant à la mise à jour de l’identification du modèle en fonction des résultats de ces tests. La mise à jour est alors quasi continue. Cette méthode de test échantillonné s’applique au cas du laminoir envisagé plus haut: chaque section de produit à laminer de quelques décimètres de longueur est suivie et testée pendant toute sa traversée du laminoir, et les mesures successives de son épaisseur permettent la mise à jour du modèle élastique des cylindres et des cages. Ce modèle est en effet fluctuant du fait des changements de température, de l’usure des cylindres de travail et de la formation de films d’huile dans les tourillons.

L’emploi d’une structure auto-adaptative n’élimine pas la nécessité de procéder à une analyse préalable du processus afin d’établir dans le détail le traitement de l’information. La difficulté de ce travail est grande pour les cas complexes. On cherche maintenant à construire des systèmes autodidactiques élaborant et perfectionnant leur programme sous la conduite d’un superprogramme de comportement général: c’est le domaine des systèmes d’intelligence artificielle.

Systèmes industriels d’intelligence artificielle et systèmes experts

L’intelligence artificielle s’adresse à toutes les activités cognitives, comme la compréhension du langage naturel, l’analyse d’images, la reconnaissance des formes, ainsi qu’à certains problèmes qui, comme ceux de la mise au point d’emplois du temps, les choix d’un itinéraire, ont une solution théorique combinatoire, mais sont résolus de façon plus directe et intelligente par tout expert humain.

On cherche, depuis de nombreuses années, à rendre l’ordinateur apte à exécuter ces tâches par un enchaînement de «raisonnements», un travail de déduction. Dans ce domaine, les logiciels vraiment opérationnels sont rares.

On admet maintenant qu’une grande masse de connaissances, aussi précises que celles qui sont utilisées par un spécialiste, est indispensable à la réussite, quelle que soit, par ailleurs, la «capacité de raisonnement». D’où l’idée de construire des systèmes experts qui utilisent des bases de connaissances  stockées en mémoire. Ces bases de connaissances sont, en fait, issues du savoir-faire d’hommes experts et exploitées au profit d’hommes non experts, les utilisateurs. Un système expert comporte donc :

– une base de connaissances , qui est un ensemble de règles (implications logiques, évocations d’hypothèses, convictions de l’expert);

– une base de faits , qui est une description du problème précis que l’on va traiter;

– un moteur d’inférence , chargé d’appliquer les règles au problème précis.

Dans le domaine de l’automatisation, les système experts qui semblent avoir un grand avenir sont ceux qui apportent une aide à la décision d’un opérateur (ou d’opérateurs) en vue d’une production, au sens très général du terme (et en matière de diagnostic, d’une façon toute particulière), et ceux qui commandent directement les machines.

Les premiers débouchés industriels apparaissent dans l’aide à la conduite, à la surveillance et à la maintenance d’installations complexes, et dans le diagnostic des pannes de composants complexes.

En revanche, les systèmes experts appliqués à la commande directe peuvent devenir des éléments importants de l’automatisation du futur. Ce sera le cas des robots dits de la troisième génération: ces robots seront doués de pseudo-sens et auront une véritable perception de leur environnement. Actuellement, des robots de deuxième génération sont mis en service: ils comportent notamment ce que les constructeurs appellent la «vision». Cette vision est utilisée pour des tris sophistiqués de pièces, des contrôles de bonne exécution dans les chaînes de fabrication de sous-ensembles, des contrôles dimensionnels. Cette vision va-t-elle bientôt permettre la préhension automatique de pièces de formes variées en vrac? De la même façon, des systèmes de reconnaissance vocale de faible coût sont disponibles; ils équipent de petits autocommutateurs téléphoniques privés. La lecture automatique des caractères s’est perfectionnée et est opérationnelle; on l’utilise beaucoup dans les banques. Toutes ces fonctions vont trouver leur place dans l’automatisation des processus.

Systèmes à gestion intégrée. Ateliers flexibles

On parlait, au début des années soixante-dix, de systèmes biodynamiques dans lesquels actionneurs ou processus comportent des éléments humains. On peut classer dans cette catégorie les systèmes d’assistance par ordinateur (auxquels se rattachent les systèmes de régulation de trafic, qui proposent plus qu’ils n’imposent) et aussi les systèmes où se trouve intégrée une assistance à la gestion, qui sont nombreux. Ainsi, un processus industriel automatisé s’accompagne souvent de la gestion automatique des stocks des produits impliqués dans le processus, afin de garantir la souplesse de l’exploitation selon certains critères que le système a «appris». De même, la mise en fabrication des produits se fait moyennant une exploitation rationnelle du carnet de commandes, que le système assure aussi. Ces fonctions de gestion nécessitent généralement des ordinateurs spécifiques en relation avec le système. Il s’agit d’une commande hiérarchisée . La relation homme-machine est assurée par consoles, écrans et imprimantes à forte capacité, l’homme restant largement maître des événements.

Dans un autre domaine, on a cherché à profiter de ce que les robots, grâce à l’apprentissage, ont la possibilité d’être adaptés, à peu de frais, à des tâches variées. Les machines-outils traditionnelles cèdent alors la place à des centres d’usinage aux fonctions et possibilités multiples, totalement programmables. Équipé de ce type de machines et, aussi, de robots et de moyens de manutention automatiques, tels des chariots filoguidés, l’ensemble de l’atelier est programmé; et il est reprogrammable en temps masqué. Autrement dit, la reprogrammation se fait pendant que l’atelier fonctionne, sans en affecter le fonctionnement. De plus, l’atelier est équipé de moyens de contrôle automatiques qui vérifient les tolérances sur les machines mêmes ou sur des bancs de mesures spéciaux: toutes les pièces hors tolérance sont ainsi prises en charge et remises en fabrication chaque fois que cela est possible, sans intervention humaine. Enfin, l’atelier est équipé de magasins automatiques gérés de la façon qui est décrite au début de ce paragraphe. Ces possibilités permettent d’exécuter économiquement des commandes de petites séries de pièces, comme on en rencontre dans les industries aérospatiales. Ces ateliers sont dits flexibles  , et la conception des logiciels de leur automatisation relève de la productique .

5.  Rôle de la logique floue et des réseaux de neurones

À la fin des années 1980, les travaux scientifiques aboutissant au concept d’une logique «non classique», la logique floue, d’une part, et au concept des réseaux de neurones, adaptés à la modélisation et à la commande des processus non linéaires, d’autre part, trouvèrent des applications dans l’automatisation (le vocable neurone ainsi que celui de synapse qui lui est associé sont issus d’une tentative d’identification de l’opérateur mathématique dit «neurone formel» à la cellule nerveuse biologique; ce rapprochement, peu opportun, n’a plus aujourd’hui qu’une connotation historique). Ainsi se sont ouvertes de nouvelles perspectives dans la commande des procédés.

Pour situer de telles applications, on peut se référer à un problème de tri d’objets en fonction de critères qui ne peuvent pas être formulés avec précision. Imaginons, par exemple, une machine à classer des fruits. Elle doit non seulement les répartir en trois classes différentes, en fonction du calibre, mais aussi extraire les fruits trop ou insuffisamment mûrs qui seront destinés à des industries de transformation et éliminer ceux qui sont nettement tachés. Soit sept classes au total.

Les fruits ont une forme incertaine et la coloration, signe de maturité, va du vert au rouge en passant par le jaune, avec d’éventuelles taches marron.

Les critères de tri sont flous et il est convenu que la machine puisse se référer à des lots types préparés intentionnellement par l’entreprise qui l’exploite, lesquels ont été «présentés» à la machine avant la campagne d’exploitation.

La machine comporte un dispositif qui immobilise chaque fruit dans le champ d’une caméra qui enregistre son image dans un champ de 512 Z 512 pixels (29 Z 29). L’analyse de l’image doit permettre, par un traitement approprié, de déterminer la classe dimensionnelle et l’état de maturité du sujet, voire son rejet. Le système ainsi constitué est caractérisé par:

– le manque de précision de l’information de commande qui est exprimée en termes linguistiques (gros, moyens, petits; pas mûrs, mûrs, trop mûrs, tachés);

– la richesse potentielle de l’information d’état, puisque celle-ci forme un ensemble de 218 éléments distincts (29 Z 29);

– le manque de rigueur des critères de sélection; il est demandé simplement d’apporter une réponse plausible au problème posé.

Cet exemple permet d’introduire les notions:

– de logique floue appliquée à la commande de processus;

– de classement à partir d’un processus de reconnaissance des formes;

– d’apprentissage, la machine devant optimiser elle-même ses réglages au cours d’un nombre approprié de passages des éléments des lots types (appelés exemples, dans ce contexte).

La reconnaissance des formes peut faire appel à des réseaux de neurones comprenant des moyens d’apprentissage. Ces réseaux sont généralement des logiciels, mais ils peuvent être, au besoin, «gravés» matériellement sur le silicium en circuits V.L.S.I. (circuits à très large intégration). Cette forme électronique n’est justifiée que dans des cas spécifiques (grande répétitivité, miniaturisation en technique spatiale).

L’exposé qui suit se réfère aux applications de la logique floue à la commande, aux applications des réseaux de neurones en automatisation et à l’association éventuelle des deux. Il faut préciser que l’association de la logique floue et des réseaux de neurones n’est pas systématique: il existe de nombreux exemples de pure logique floue ou de réseaux de neurones indépendants de toute logique floue. Mais la promotion commerciale de certaines applications grand public, et aussi de systèmes de commande industriels, a donné lieu à une médiatisation précoce, parfois tendancieuse, de ces avancées de la technique en automatisation. Ainsi y-a-t-il lieu de se demander si l’expression de commande de processus neuro-floue  a réellement un sens.

La logique floue

La logique floue (fuzzy logic ) a été notamment développée par le professeur Lofti A. Zadeh, à l’université de Berkeley (Californie), qui lui a donné, depuis 1985, une nouvelle direction en vue de son application au contrôle des processus industriels. Le but de la logique floue est de parvenir à traiter des connaissances par nature imparfaites, du fait d’un manque de précision dans l’expression d’une dimension, ou de l’impossibilité de chiffrer une notion telle que, par exemple, la maturité d’un fruit: incertitudes, imprécisions et «incomplétudes» (absence d’un certain nombre de renseignements) caractérisent cette logique. La solution proposée sera de préserver les imperfections dans le traitement logique, jusqu’à un certain stade, jusqu’à ce qu’on dispose d’une représentation manipulable de façon automatique.

La logique floue est fondée sur la théorie des ensembles classiques qu’elle a étendue aux ensembles flous.

Sous-ensembles flous

Un sous-ensemble flou A se déduit d’un ensemble X par une fonction d’appartenance qui associe à chaque élément x  de X le degré f A(x ), compris entre 0 et 1, avec lequel x  appartient à A. Si f A(x ) ne peut prendre que les valeurs 0 ou 1, A est un sous-ensemble classique.

Si on constitue un sous-ensemble des éléments x  pour lesquels f A(x ) a une valeur a, comprise entre 0 et 1, on a défini une a-coupe de A, et cette coupe est un sous-ensemble classique. On définit le support de A comme étant la partie de X pour laquelle f A(x ) n’est pas nulle et la hauteur de A comme la plus grande valeur prise par f A(x ). Si la hauteur atteint 1, A est dit normalisé. À partir de ces définitions et de quelques autres, notamment le produit cartésien, on a transposé l’algèbre des ensembles classiques à celle des sous-ensembles flous en associant les fonctions d’appartenance et en déterminant les propriétés des a-coupes, qui sont des sous-ensembles classiques.

Relation floue

La notion de relation floue entre ensembles généralise la notion de relation classique définie sur les ensembles. Une relation floue R entre deux ensembles de référence X et Y peut être représentée par une fonction caractéristique hR définie sur le produit cartésien X 7 Y avec hR(x , y ) = 1 si x  et y  sont en relation par l’intermédiaire R, et avec hR(x , y ) = 0 dans le cas contraire. S’il existe une liaison entre les éléments x  et les éléments y  qui soit imprécisément connue, ou graduelle, et que x  et y  aient une appartenance approximative à X et Y, cette liaison n’est pas représentable par une relation classique. On définit donc une relation floue R en assouplissant la définition de la fonction caractéristique hR classique. La relation floue entre X et Y sera un sous-ense